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2012 – projet d’installation – appel à projet COAL
Thème : « La ruralité »
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« J’ai fait un rêve, bizarrement champêtre, ce qui m’étonne car je n’aime et ne vis qu’en ville. Il s’agissait d’un champ nu et stérile, couvert de pots de fleurs, vides, destinés à une culture inconnue, ce qui avait un air un peu futuriste, avec au loin des fumées d’usine comme si cela allait de soi. Ce qui m’apparaissait le plus étrange, c’était le groupe central où l’on voyait deux personnages autour d’une fleur poussée par hasard dans cet univers hostile, une marguerite peut-être, et ils semblaient émus de la voir apparaître comme s’il s’agissait d’une chose extraordinaire. Ces deux-la, je les avais déjà vu quelque part, pas comme ils m’apparaissaient là, avec ce masque à gaz et cette tenue de travail, mais leur attitude me rappelait une vieille image connue et sympathique où ils apparaissaient comme les icônes des racines rurales d’une France éternelle, celles de la vraie campagne.
Et puis j’ai croisé mon rêve, collé sur un mur du métro, et je me suis demandé de quelle publicité il s’agissait car, étonnement, il n’y avait ni marque ni slogan.
Une affiche c’est fait pour transmettre un message, susciter un désir… Là, j’étais interpellé parce qu’il y avait sûrement quelque chose derrière que je n’arrivais pas à formuler, et je me demandais ce qui clochait, parce que quelque chose clochait. Bien sûr je sais bien que l’image d’Épinal du gai laboureur n’est plus de mise, j’en suis bien conscient, mais l’agriculture ne peut être encore parvenue à un tel point d’artificialité pour qu’une vulgaire fleur puisse apparaître comme un miracle.
Je n’ai pas besoin qu’on m’explique les rêves, mais je me suis quand même demandé s’il fallait vraiment que je fasse confiance au système pour décider ce qui sera demain dans mon assiette et comment cela sera produit. »

Dans la mesure où une œuvre d’art prétend avoir une incidence sur des comportements, il faut s’assurer qu’elle va effectivement toucher le public cible. Bien souvent l’œuvre d’art est en situation de ne rencontrer qu’un public captif ou même déjà convaincu. Que ce soit en galerie, dans les musées, et même in situ, elle ne s’adresse le plus souvent qu’à un public qui a entrepris la démarche. Or l’objectif est d’atteindre un public large pour lequel l’art contemporain reste une virtualité. Pourquoi ne pas utiliser les méthodes de ceux qui, pour trouver leur public, leur client, ont investi de leur messages publicitaires les espaces de la cité. D’abord notre population est aujourd’hui essentiellement urbaine. C’est donc elle qu’il s’agit de toucher même s’il s’agit d’un message sur la ruralité et son devenir. Bien sûr certains agriculteurs se tournent vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement, mais c’est très insuffisant pour renverser la tendance imposée par un modèle économique, dont eux, comme nous, subissons les conséquences, par ignorance et facilité. Et puis ce n’est pas réaliste de laisser aux seuls agriculteurs le poids de l’évolution de leur métier face aux trop puissants lobbys agro-industriels. Si une évolution majeure doit se dessiner, elle s’appuiera forcément sur une conscientisation et un choix des citoyens urbains.

Le projet consiste à investir un espace publicitaire (par exemple dans une station de métro parisienne très fréquentée) pour proposer une affiche pendant un temps limité, pas nécessairement très long, afin de générer un buzz médiatique qui lui touchera le grand public s’il est relayé correctement par les média. Le désir de comprendre, la curiosité, associé à la polémique qui devrait surgir de l’ambiguïté du traitement artistique proposé (plusieurs interprétations étant possibles) et à l’absence de texte rendant l’affiche plus énigmatique, devraient y pourvoir. La référence à une image très populaire renvoie à des clichés classiques et rassurants : les agriculteurs jardiniers de la France, l’attachement au terroir, la culture de la tradition, la nostalgie du savoir faire ancien, dont on pense ou veut faire croire qu’on en est encore assez proche. Toutes images qui ne correspondent plus à une réalité froide d’agriculture industrialisée, artificialisée, maîtrisée. L’image proposée est totalement décalée et le paysage proposé plutôt inquiétant. Ce qui apparaît c’est l’écart entre une référence mythique et un avenir – un présent peut-être ? – qui dérange et qui concerne tout le monde alors qu’à l’heure actuelle seuls les industriels, les financiers, les technocrates en imposent les règles.
Il s’agit donc ici d’attirer l’attention des urbains sur le devenir de l’espace rural. A force de vivre dans les villes, on se détache d’une réalité banalisée qui concerne l’essentiel de notre espace humanisé. Cela se traduit par exemple par la conviction que la conservation de la biodiversité passe uniquement par la défense des espaces naturels et la création de réserve, en oubliant l’essentiel de l’espace humanisé : l’espace rural.


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